mardi 17 janvier 2012



Les Echos publient ce matin une tribune sur l'industrie des télécoms, à l'occasion de l'Atelier d'En Temps Réel : "Et si l'industrie pouvait sauver l'économie française", le 18 janvier 2012 à Paris. 




Les Surprises des Télécoms

Cette présentation illustre les évolutions de l'industrie des télécoms et les pistes pour dynamiser l'innovation en Europe.




Comment Dynamiser l'Innovation en Europe ?

Une analyse plus détaillée des bouleversements de l'industrie des télécoms permet d'approfondir les pistes prometteuses : comment créer une dynamique de croissance par l'innovation en Europe ? Comment renforcer l'industrie européenne face aux pays émergents ?

Merci de vos commentaires !


19 commentaires:

  1. Bravo sur cet article ! bien sur, on ne peut qu’être d’accord !
    J’aurais rajouté la naïveté de l’Europe « idiot du village global » qui a donné son marché intérieur à des concurrents chinois ne respectant ni les règles d’aides d’Etat de l’OCDE, ni les règles sociales ni les règles environnementales..
    Une fois rentrés , certes, ils "s’honorabilisent".
    En revanche il y a une claire tendance protectionniste chez les BRICS
    L’Europe commence à s’en émouvoir mais un peu tard

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  2. Enfin un vrai papier de politique industrielle. C’est clair, bien documenté et tellement édifiant sur l’histoire récente des télécoms. Il a en plus le grand mérite de redonner une vraie vigueur ( et de l’actualité) au débat sur la politique industrielle. On est loin des ritournelles sur la TVA sociale, et au cœur des vrais sujets. Un seul regret puisqu’il en faut bien un : j’attendais une conclusion plus mordante, plus mobilisatrice. En un mot, qui fasse bouger les lignes !

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  3. Frédéric Leroudier17 janvier 2012 à 23:45

    L’analyse du probleme est juste, voire bonne, mais la solution est-elle vraiment de continuer comme auparavant, tout en blindant les protections ?

    Pour moi (expatrie aux US depuis 1996), j’assiste a la Berezina du secteur telecom en Europe comme un crash de train au ralenti (parfois je me dis – en plaisantant a moitie – que c’est la faute des traitres comme moi qui ont prefere abandonner la patrie pour la gloire). Parmi les causes, je rajoute :

    - Le catastrophique faux pas strategique de la 3G – moment precis ou l’Europe a perdu la maitrise du secteur

    - Une myopie coupable au debut du siecle quand il s’agissait de damer le pion aux concurrents en allant vendre ses bijoux de familles en Chine

    - Une absence de vision qui a pousse les industriels a calquer leur strategie sur les objectifs commerciaux courts-termes, souvent incestueux (les aveugles menant les aveugles) et qui ont fait manquer a l’industrie un certain nombre de tournants structurels

    Bref, la punition classique pour une industrie qui etait alors coupable d’arrogance.



    La dialectique innovation de rupture / innovation incrementale n’est pas nouvelle et s’applique a tout secteur de la hi tech – elle demontre simplement que le modele Americain est mieux a meme de s’adapter a la nouvelle donne de la globalisation. Changer cette difference profonde demandera bien plus que la reforme du monde des telecoms…



    Que faire donc ?

    Ou peut etre d’abord : a quoi bon ? L’industrie des telecoms (telle qu’on l’entend actuellement) vaut-elle la peine d’etre sauvee ? Ne serait-ce que pour les interets strategiques de securite des infrastructures, peut etre… Toujours est-il que garder une industrie en etat de survie artificielle n’est pas la solution – mieux vaut alors que les forces du marche fassent leur travail impitoyable afin de declencher la renaissance. D’où l’importance de bien definir la cible et les justes raisons.

    Peut-etre doit-on alors reposer la question : « qui sauver ? » La survie – le succes – des operateurs ne devrait pas etre la priorite, plutôt que la construction d’une ligne Maginot autour de l’honorable Alsactienne de Construction, des Telecom et de l’Electronique ? En effet, on voit bien que les nouveaux enjeux sont de moins en moins dans les equipements de reseau, mais de plus en plus dans les logiciels ou dans les serveurs a la peripherie des reseaux (dans une certaine mesure, soyons clair, il restera necessaire de controller finement ces reseaux).

    Affaire a suivre...

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  4. L'innovation ne suffit pas, nous sommes bien d'accord, mais je ne suis pas sûr que le protectionnisme soit une solution puisque nous souhaitons avant tout ouvrir notre accès au marché de ces fameux pays émergents : il nous faut donc un dialogue équilibré et constructif avec eux (la "réciprocité", "ne pas être naïfs", selon la réthorique élyséenne), qui ne marchera pas si nous commençons à ériger des barrières sur notre propre marché. Sans oublier le fait qu'il y a très clairement des visions divergentes sur le sujet entre Etats membres, avec l'Europe libre-échangiste au nord et l'Europe industrialiste au sud, divergence qui prend à nouveau un certain relief dans la crise actuelle...

    Je signale au passage la stratégie actuelle "Europe 2020" (www.cc.cec/home/dgserv/comm/europe_2020/index_en.htm) et ses déclinaisons en matière de politique industrielle et d'innovation, ainsi que la stratégie "Horizon 2020" que la Commission européenne vient de proposer dans le domaine de la recherche et de l'innovation avec un budget de 80 Mds€ .(http://ec.europa.eu/research/horizon2020/index_en.cfm)

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  5. Très intéressant ces articles /présentations.

    Mais sur l’innovation de rupture, il ne faut pas glisser d’une notion de leadership américain à une notion de monopole. Il y a aussi des exemples comme SAP ou le pilotage en commandes automatiques de l’Airbus A320 sur lequel l’Europe a su faire la rupture….

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  6. J'ai lu ce -très bon- article et ne peux qu'adhérer. Côté opérateurs, là-aussi, sur ces business qui étaient "logiquement" vus comme locaux, la désintermédiation sur les choses à valeur ajoutée (apps, Voix, TV...) va aussi grandissant au profit d'acteurs non-européens, cantonant les opérateurs au fameux rôle de gestionnaire de tuyaux... Sur les nouveaux domaines nécessitant pas mal de développement logiciel, pas d'économie d'échelle/mass critique permettant de lutter contre les google, netflix etc.

    Le pb est donc bien posé, et il faut s'atteler au plus vite à trouver des solutions !

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  7. Bon article. Peut-être une mention de Samsung dans le camp APAC et Microsoft dans le camp USA... et hélas je crois que Nokia (aveuglé par Msft) est hors course quand Ericsson caracole.
    Lisbonne est loin loin loin puisqu'impossible à mettre en oeuvre.

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  8. Merci de tous ces commentaires passionnants. J'y reviendrai. Pour l'instant, un complément pour être fair avec plusieurs retours : Les Chinois n'ont jamais fait de l'inno de rupture mais c'est un bel exemple d'inno "incrémentale" avec des
    ingénieurs qui coutent le tiers des notres.Ils ont par ailleurs bénéficié d'un fort soutien étatique,notamment
    par des financements de projets.Et il faut bien reconnaitre que les scrupules "éthiques "ne les ont pas étouffé
    dans leur pénétration de la plupart des pays émergents.

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  9. Ceux qui s’intéressent réellement à Huawei et ZTE savent que les Chinois ne jouent pas du tout au même jeu que nous, encore moins dans cette industrie que dans d’autres. Il n’y a pas plus opaque que les finances de ces deux sociétés et il est évident qu’elles sont deux priorités nationales goinfrées de subsides et auxquelles les banques locales n’ont rien à refuser.

    Les gens qui s’occupent de sécurité des réseaux connaissent l’effrayante réalité, et ce n’est pas sans raison que les effectifs de l’ANSSI augmentent rapidement en France. Quand le Parti Communiste chinois et l’Armée rouge auront via Huawei et ZTE pris le contrôle de nos réseaux de télécoms (et, partant, de nos réseaux électriques, de transport et de nos vies privées), il sera un peu tard pour réfléchir aux limites du dogme libre-échangiste au-delà duquel bien peu de responsables européens veulent regarder. Tout le monde pense aux petites misères que les hackers russes font aux Baltes, mais les Chinois sont autrement plus inquiétants : ils ne viennent pas cambrioler la maison un soir, ils en prennent la possession pérenne, via notamment la maintenance des réseaux - sans passer chez le notaire, donc personne ne voit rien.

    Le fait d’avoir mis le siège de l’ENISA à Heraklion dit tout sur le vrai niveau de priorité donné au sujet…Certes les Etats membres sont très ambivalents, et même avec une vraie volonté politique commune la construction d’une politique européenne cohérente prendra une décennie, mais mieux vaut tard que jamais.

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  10. J’aime bien la façon de présenter l’innovation de rupture…c’est un bon pavé dans la mare.

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  11. Je n’ai pas bien compris dans l’article la phrase concernant de
    15.000 à 20.000 euros pour 100 ingénieurs de R&D

    Le reste est très intéressant, notamment l’innovation de rupture et l’innovation incrémentale …

    Un autre point qui est important à souligner, c’est la valeur de l’IP aux U.S. contre l’Europe (ex Qualcomm, Google/Motorola). Ainsi que l’écart de valo entre une boîte cotée au NYSE/NASDAQ et EURONEXT. Quand il faut financer de la R&D et motiver les ingénieurs avec des stock options … on n’est pas à égalité non plus. Enfin, les boîtes européennes ont du mal à faire des acquisitions à prix fort, donc les capitaux risqueurs ne financent pas des boites comme Google ou Qualcomm en Europe. Bref, la liste est longue sur les problèmes de fond …

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  12. Les chiffres sont une coquille des Echos, j’avais écrit 15 à 20 M€. Mais cela a dû paraître absurde au journaliste…

    Sur le fond, il me semble que le coût de l’échec en Europe rend statistiquement non rentable les investissements en innovation risquée, donc éloigne les capitaux qui se concentrent aux US. Le financement par le Capital Risque, par le Nasdaq, par les grandes boites, est d'abord une conséquence des conditions de rentabilité. Il n’y a pas plus mobile qu’un investisseur, dès que la rentabilité est avérée, il vient.

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  13. En tout cas feu le Corps de Mines n’a pas abandonné ses rêves de politique industrielle (cf. le bouquin de Beffa récent).
    Pas certain que les américains soient toujours dans l’innovation de rupture (c’est uniquement la partie émergée de l’iceberg, il n’y a qu’à voir l’industrie automobile US qui n’a fait que l’innovation incrémentale nulle depuis plusieurs décennies). Les japonais ont beaucoup copié avant de décoller, puis de se casser la gueule. 99 % des produits chinois n’ont aucun contenu d’innovation.
    Il y a un côté Tintin au Congo dans ces affirmations…
    Il n’empêche que le constat fait sur la filière Telco est assez troublant. Depuis longtemps l’Europe a choisi un modèle de développement qui n’avance pas, c’est certain…

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  14. bravo pour l'article dans Les Échos, très intéressant. Mais s'il faut plus de protectionnisme et moins de rigidité sur le marché du travail, je ne sais décidément pas pour qui voter...

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  15. Le ton juste...Le problème n'est plus de savoir quand la Chine s'éveillera mais quand l'Europe se reveillera...

    La recette est simple: les Chinois ne comprennent que la réciprocité. Toute faiblesse, même mineure, ôte toute crédibilité.

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  16. Frederic Leroudier22 janvier 2012 à 16:44

    L’Europe doit trouver son modele de croissance dans ce Monde global et dont le moteur est le progres technologique. A trop se braquer contre “les Chinois” (il y a 20 ans c’etaient les Japonais) ou contre “les Americains”, l’Europe court le risque d’ignorer ses atouts et de repeter ses erreurs. Regardons par exemple les succes d’antan : prenons le Concorde/Airbus ou le GSM, modeles (toujours) uniques de collaborations internationales (j’aurais bien rajoute l’Union Europeenne et l’Euro, mais bon, le timing n’est pas tres bon pour cela…).
    Le GSM en particulier (apres tout la discussion avait debute sur les telecoms): une technologie somme toute assez simple connait un succes totalement imprevu et devient le système de communication le plus repandu dans le monde. Pourquoi ? Un standard blinde et evolutif, etabli grace a une vision long terme des organismes fondateurs (principalement les operateurs – alors etatiques en general). Les principes d’interoperabilite et les besoins a haut niveau sont fixes en avance et une mecanique de developement et de mise a niveau collaborative permet l’etablissement de specifications detaillees, suivies des premiers produits et reseaux. De ces efforts a jailli la puissance des Vodafone, Nokia ou Ericsson. Ni les Americains, ni les Asiatiques n’ont été capables de rivaliser avec ce modele : qui se souvient du TDMA IS-136 ? Le CDMA Qualcommique aura une histoire un peu plus longue mais dont le LTE concretise la fin. Pourtant les technologies sous-jacentes n’etaient-elle pas superieures (en tout cas dans le cas de ce dernier) ? Le TD-SCDMA Chinois ? Base sur les standards 3GPP herites de l’ETSI et inconnu en dehors de l’Empire du milieu. Malheureusement, depuis la fin des 90s, l’Europe semble avoir perdu les ingredients secrets de cette potion magique (peut etre victime de son succes et incapable de se reinventer) et se repose sur ses lauriers. Mais est-ce vraiment le cas ? La suite au prochain episode…

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  17. Ce point de vue sur l'innovation m'a beaucoup intéressé, même si j'ai un regard différent, je vais y revenir ; ce texte présente une vision très orientée « grands groupes », à laquelle je ne suis pas habitué, et souligne une faille que je ne connaissais pas dans le mécanisme d'innovation industrielle en France.
    Pour situer mon point de vue, je suis depuis plusieurs années déjà directeur d'un laboratoire de recherche publique, qui mêle du très fondamental et du très appliqué dans le domaine des lasers. Mon laboratoire a reçu le trophée national de l'innovation INPI en 2007 – en douze ans d'existence, il a stimulé la création de quatre entreprises « spin-off » ; une est aujourd'hui une PME florissante, essentiellement orientée à l'export, et en développement régulier ; une autre vient d'atteindre l'équilibre financier, et donc de sortir de la fameuse vallée de la mort après plusieurs tours de table ; une troisième a été rachetée dans une période de difficulté financière, mais en maintenant les effectifs ; et enfin la quatrième n'est encore qu'en phase de décollage. Au total, c'est une centaine d'emplois directs. Par ailleurs, nous avons mis en place sur Bordeaux un système d'innovation assez complet dans le domaine laser et photonique, avec un pôle de compétitivité, petit mais efficace, un centre technologique et de transfert « à la LETI » de droit privé, et un incubateur; je participe modestement à la gouvernance de tout ce petit monde.
    Je regarde donc la question de l'innovation industrielle d'un autre point de vue : ma référence, c'est l'avancée de la technologie issue de la recherche internationale ; et mon job, c'est en particulier de faire en sorte d'aider, ou même de stimuler l’apparition des fameuses PME de haute technologie, que mentionnées comme devant être rachetées par les grands groupes mondiaux.
    Je voudrais reprendre la distinction entre innovation incrémentale et innovation de rupture. Bien que cette classification soit très habituelle, je pense qu'elle n'est pas la plus pertinente pour décrire le processus d'innovation, ni pour l'améliorer.

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  18. Je propose de distinguer l'innovation de rupture spontanée, l'innovation programmatique, et l'innovation d'opportunisme – celle que l'on oublie toujours.
    L'innovation programmatique se rapproche de ce qu'on appelle l'innovation incrémentale. L'idée est qu'un organisme – laboratoire, société, consortium, structure étatique – définisse une feuille de route d'avancée technologique, puis mette les moyens sur plusieurs années pour parvenir à ces objectifs. L'exemple parfait est la feuille de route de la micro-électronique sur la fameuse loi de Moore ; un autre exemple est l'apparition des écrans à cristaux liquides – dès le début des années 90, nous entendions les ingénieurs-chercheurs français du CNET Lannion nous décrire la feuille de route Japonaise et Coréenne sur ce sujet, puis expliquer leurs propres travaux. Cétait David contre Goliath – mais dans la vraie vie c'est David qui a été balayé. C'est un cas où l'innovation programmatique peut être de rupture – mais il faut alors des moyens massifs.
    L'innovation de rupture spontanée, c'est idéalement le chercheur dans son labo, ou l'ingénieur dans sa boite, qui a une idée iconoclaste, susceptible d'amener une percée scientifique ou technologique de premier plan – généralement plusieurs années plus tard, je ne connais pas de rupture immédiatement applicable au marché. Mais dans la vraie vie, il n'y a pas de séparation aussi nette entre l'avance incrémentale et la percée majeure, mais toute une gradation d'innovations entre l'un et l'autre. Il y a un jeu malsain mais inévitable qui consiste alors pour tout chercheur à « vendre » ses projets comme de l'innovation de rupture, en espérant influencer les experts. Le cœur du problème à l'échelle macroscopique est alors de pouvoir détecter la vraie rupture, d'évaluer son potentiel, puis de définir des moyens d'accompagnement adaptés. La grande mode est ici de financer l'innovation sur projets, via l'Agence Nationale de la Recherche ou le Fonds Unique Interministériel. Ce système marche mal, pour plusieurs raisons, dont je ne citerai que deux : 1/ le refus du risque par les comités de sélection (dont j'ai fait partie d'ailleurs). Ceux ci ont à faire le tri entre des dizaines de projets, tous très bien rédigés, tous revendiquant l'excellence scientifique – dans ces conditions, l'existence d'un risque, pourtant consubstantiel à la vraie rupture, amène presque immanquablement les projets les plus innovants à être déclassés ; 2/ les effets de seuil – une idée nouvelle peut n'avoir besoin que de moyens faibles pour démarrer, quitte à devoir repostuler un peu plus tard lorsque les premières confirmations tombent ; or un projet FUI ou ANR, c'est nécessairement des durées de 3 ans minimum, de plusieurs centaines de kE ou même de l'ordre du ME pour le FUI... c'est trop gros, trop lourd, trop long.

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  19. Enfin, il y a l'innovation d'opportunisme, au bon sens du terme, qui consiste à détecter le plus tôt possible une innovation de rupture spontanée chez un concurrent international, et à embrayer sur le sujet avec des moyens supérieurs à ceux de l'inventeur original. Dans un esprit sportif, on pourrait dire que ce n'est pas très glorieux, ce qui explique peut-être pourquoi cette forme d'innovation a peu de publicité ; et pourtant elle est de plus en plus essentielle au plan international. Elle peut être pratiquée à petite ou à grande échelle : à petite échelle, c'est les conférences ou les salons qui permettent de voir ce que développent les concurrents, en essayant ensuite de faire mieux et plus vite qu'eux ; à grande échelle, ce peut-être les services d'un groupe, d'un commissariat au plan... qui effectuent une veille technologique. Paradoxalement, la pratique excessive des comités de sélection, ou la revue par les pairs dans les journaux internationaux, censées favoriser l'innovation de rupture spontanée, favorisent indirectement encore plus l'innovation d'opportunisme. Je me rappelle d'une percée dans mon domaine, réalisée par une petite équipe japonaise, et soumise en avant-première à la grande conférence américaine sur les lasers ; le « post-deadline paper » a été vu pour évaluation par un grand spécialiste américain, à la tête d'un groupe important, qui a fait refaire les expériences en quelques jours dans son laboratoire. Le temps que la conférence arrive, l'équipe américaine avait fait accepter un article dans Science. A nouveau, on peut tordre le nez sur le plan déontologique ; mais sur les plans scientifique et industriel, l'important est de remporter la compétition, et de créer des emplois, pas de suivre les règles du baron de Coubertin.
    L'innovation d'opportunisme est techniquement à mi-chemin entre les deux premières : comme l'innovation programmatique, elle requiert une organisation hiérarchique pré-existante avec des moyens importants pour optimiser la réactivité, et battre les premiers inventeurs ; mais comme l'innovation de rupture spontanée vue à l'échelle macro, elle est d'abord basée sur des moyens de détection de l'innovation.

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